En effet, si l’amour est en un sens l’expérience la mieux partagée du monde, c’est aussi le lieu des désillusions les plus cruelles, au point que beaucoup sont tentés parfois - d’une malheureuse tentation sans doute - de ne plus y croire. Pour traverser les déceptions les plus graves, il faut dépasser une conception naïve et trop courte : si l’amour est bien sûr affaire de sentiments, il est plus profondément encore question de volonté et même d’intelligence. Il doit intéresser la personne entière pour ne pas rester voué à l’évanescence des buées de la nuit.
C’est pourquoi la formulation de Jésus, reprise par le scribe avec une variation sur le thème qui ne fait qu’enrichir l’harmonie – ce dont il est félicité -, enjoint au fidèle d’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit (de toute son intelligence) et de toute sa force. À l’évidence, le second commandement mérite la même remarque, c’est pourquoi le scribe est aussi loué par Jésus de le rassembler avec le premier dans une unique formulation. À vrai dire, il faut aimer Dieu comme celui qui s’est fait notre prochain tel le Samaritain venu au secours de l’homme tombé aux mains des bandits.
Ainsi les deux ne font qu’un. Heureux ceux qui croient cela : forts de la foi en ce Crucifié qui nous aime et nous sauve, et qui nous apprend de la sorte à donner notre propre vie pour les autres, même nos ennemis, même les traîtres et les infidèles, ils ne seront plus jamais déçus par l’amour.
Père Marc Lambret
*macarisme : du grec « macarios », heureux