13 Mar Édito et FIP du dimanche 16 mars 2025
2e Dimanche de Carême
UNE VUE PERÇANTE
« L’homme au regard pénétrant », dans la Bible, c’est Balaam, le prophète païen qui refuse de maudire Israël malgré les objurgations de Balaq, car il ne veut dire que les paroles mises dans sa bouche par le Seigneur. Or, son ânesse va se révéler plus clairvoyante que lui en distinguant l’ange posté sur le chemin pour l’arrêter. Ce récit reste obscur. Il l’est non seulement pour nous, mais à l’intérieur même de l’Écriture. Souvent, d’ailleurs, ceux qui font profession de « voyants » émettent des oracles assez brumeux pour pouvoir correspondre plus ou moins à ce qui arrivera, dans un sens ou dans l’autre. En effet, « la prédiction est difficile, surtout quand elle concerne l’avenir », disait ironiquement Pierre Dac.
Jésus lui-même, pour discerner le chemin qu’il devait prendre et le terme où le conduirait la volonté de Dieu – car, en Fils, il ne voulait rien faire sinon les œuvres que le Père lui montrerait – a scruté l’Écriture à la lumière de l’Esprit Saint demeurant sur lui. Luc en témoigne dans sa version de la Transfiguration que nous entendons dans l’évangile aujourd’hui. En effet, Moïse et Élie, dans cet ordre, signifient la Loi et les Prophètes, et leur entretien avec le Christ porte sur « son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem ». La prière et l’Écriture sont les conditions de l’écoute profonde de la Parole où se reçoit la perception claire de la vraie voie de Dieu.
La vision qui s’offre aux témoins choisis par Jésus est perçante au sens où elle traverse « le voile de la chair » assumé par le Fils en son incarnation. Sa divinité éclate en son humanité au moment où la croix est annoncée : littéralement, la lumière venant sur son vêtement déchire l’homme, et cet éclair est le glaive qui ne peut épargner la mère quand il fend le cœur du Fils. Luc n’a pas besoin, comme les autres évangélistes, d’évoquer la résurrection à la fin du récit car elle est comprise dans « le départ à Jérusalem » de Jésus qui signifie son mystère pascal intégral, de la Cène à l’Ascension. Suivons-le jusque-là par son chemin de prière et de silence à l’écoute du Père.
Père Marc Lambret